God, don't let me lose my body.

Elle s'en doutait. Des rayons X. Du calme, pas de panique. Il n'y avait pas grand chose à voir dans une cheville, de toute manière. Et en effet, le docteur ne fut pas spécialement surpris. Crystal voulu soupirer de soulagement, mais elle le fit en quelques sortes dans sa tête. Pour ne pas lui paraitre louche. Mais tout de même, des appareils fabriqués par ses soins pouvaient se révéler dangereux pour elle, elle devait rester sur ses gardes.

Elle hocha la tête et balaya la pièce du regard pendant qu'il était reparti vers le fond de l'infirmerie, pour essayer de se distraire et de se rassurer. Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle le vit déjà de retour, penché vers elle comme si c'était la dernière chose qu'elle allait voir avant de mourir en ce lieu sinistre, tenant en main CET instrument médical qu'elle redoutait encore plus que les radios ou les rayons X. Les pupilles de la jeune fille se rétrécirent et elle recula naturellement de quelques centimètres par pur réflexe, étant toujours assise sur le lit.

Crystal: E-euuh ... P-pourquoi un stéthoscope ... ? C'est à la cheville que j'ai mal, mon cœur va très bien ... je n'ai aucun problème cardiaque ou respiratoire, je vous en rassure ... La chute ne m'a fait peur qu'à l'instant où je suis tombée ...

Elle essayait tant bien que mal de garder son sang-froid, mais ses yeux roses vif commençaient à afficher une peur de plus en plus grandissante et ses bras tremblaient tout comme ses mains posées sur le lit d'opération. Étais-ce la fin de Crystal Springer ? Il allait la démembrer une fois avoir écouté les battements non-naturels de son cœur ? Elle priait pour que n'importe qui toque à la porte, même si on pouvait toujours rêver. Même John ferait l'affaire, à ce stade.

Ayant visiblement beaucoup de mal à cacher ses émotions, on pouvait voir en perçant le regard de Friedrich à quel point sa frayeur était plus que satisfaisante. Une simple petite analyse de cœur est relativement rapide et sans douleur ; il faut forcément une raison pour en refuser une. Et pour la craindre autant, une EXCELLENTE raison. Mais certes, dans un cas comme le sien, ça semblait pas mal inutile, elle n'avait pas tord sur ce point. Mais Der Doktor a toujours un tour dans son sac.

Friedrich: Oh, tu zais… Il beut y affoir des problèmes zans gue tu ne t'en rende compte. Ce genre de choze arriffe peaucoup plus zouffent gue tu ne le benses. Faut mieux bréfenir gue guérir, tu n'es bas d'accord ?

Friedrich avait un peu de mal à ne pas écarter d'avantage son sourire satisfait et diabolique (surtout qu'il observait Crystal dans les yeux), mais il faisait de son mieux. Parce qu'à ce point, même lui se trouvait louche. En fait, même la personne la plus innocente du monde l'aurait trouvé louche. Il n'était pas très difficile à cerner en tout cas, ça c'est sûr. Il suffisait de voir sa tronche. Mais il usait toujours de politesse pour l'aider à arriver à ses fins.

Mais il ne pouvait pas cacher ses intentions indéfiniment. Il n'avait peut-être jamais réussi à jouer au manipulateur hors pair, mais ça ne l'avait jamais empêché de commettre les pires atrocités. Il trouvait TOUJOURS un moyen. Peu importe si elle ne voulait pas de cette petite analyse, il serait prêt à lui faire subir.

Cette raison était pour Crystal une question de vie ou de mort maintenant qu'elle faisait face, et ce littéralement, à Friedrich. Elle voulait se persuader que non, mais son instinct lui affirma bien le contraire. Cet homme était fou. Il était capable de tout. Enfin, elle espérait que son statut de collègue pouvait empêcher cela ... Elle déglutit en entendant les paroles tranchantes du professeur d'anglais. Elle fronça les sourcils dans la peur et le stress et tenta de garder un certain sérieux.

Crystal: Tout à fait, mais je connais mon corps mieux qui quiconque, je sais très bien quand je vais mal ou non ... Je suis venue pour ma cheville, si vous voulez bien poser ce stéthoscope ... s'il vous plait. Je n'aime pas cet instrument.

La jeune fille gardait ses mains posées à côté d'elle sur le lit mais se préparais à en lever une à tout moment pour se protéger ou se défendre. Ses joues émirent deux ou trois légers crépitements, prête à décharger s'il le fallait.

"Du calme Crys. Tu peux t'en sortir. Utilise ton putain de cerveau, et rapidement."

C'est ce qu'elle se disait, sa petite voix intérieure. Mais la situation actuelle l'empêchait de cogiter correctement. C'était la première fois qu'elle se trouvait dans une situation pareille, après tout. Combien de fois avait-elle frôlé le danger ? Beaucoup trop de fois.

Certes embêté d'être aussi effrayant, il s'était cependant rassuré, car c'est bien connu, la peur est le meilleur outil pour se faire obéir. Mais malheureusement pour lui, Crystal se tenait bien de garder son secret. Frustré et très légèrement en colère, il recula, se mordant la lèvre inférieure.

Friedrich: Bien. Dit-il d'un ton sombre.

Voulant cacher son regard mécontent, il se retourna, réfléchissant, empoignant toujours son stéthoscope. Il ne voulait pas en arriver là si rapidement, mais elle ne lui laissait pas le choix. Mais c'est sa collègue, après-tout. Il pouvait bien lui laisser une dernière chance, si elle se montrait coopérante. Ce n'est pas un monstre à ce point-là, n'est-ce pas ?

Friedrich: Dis-moi Crysdal, de guelle race es tu ? C'est chuste bour… le zoin. Sche ne foudrais bas t'emboisonner. Le ton de sa voix était terrifiant.

Le professeur poli, discipliné et compétent n'était plus désormais, ayant laisser sa place au Friedrich malin, vicieux et tordu. Une question certes importante et bien placée, mais à but totalement personnel de sa part. Tandis que John feuilletait les dossiers officiels des habitants d'Heaven Lake qui l'intéressait, Friedrich fabriquait les siens. D'autant plus précieux, qui plus est. Et ces dossiers, il les rangeait directement dans sa tête. Il était temps d'en faire de même pour la petite nouvelle.

Quelques perles de sueur dégoulinèrent sur le front de la jeune fille, cachées par sa frange assez dense, lorsqu'elle perçu la tonalité sombre que la voix de Friedrich venait de prendre. Cet homme était imprévisible, un peu comme elle au final. Mais absolument pas le même genre d'imprévisibilité. Le voyant se retourner, elle lâcha un léger soupir soulagé mais tout de même encore stressé. Malheureusement, elle écarquilla les yeux et se figea à la question qu'il venait de poser. Elle était dos au mur.

Crystal: ... Pourquoi vous cherchez à le savoir ? Le mot race est péjoratif, Monsieur Maxis. Et j'espère bien que vous ne m'empoisonnerez pas.

Crystal tenta de garder son calme en dissimulant sa peur grâce à des paroles un peu plus sérieuses.

Crystal: D'abord, vous fermez la porte à clé. Ensuite, vous décidez soudainement de m'ausculter ... Et maintenant vous me demandez à quelle ra- ... pardon, à quelle espèce plutôt, j'appartiens ? Elle profita du fait qu'il était retourné pour trouver le courage de bouger et léviter au dessus du lit d'opération. Être à moitié allongée n'étais pas la meilleure position s'il fallait se défendre ou fuir. Désolée de devoir en arriver là, mais mon instinct me dit de ne pas trop vous faire confiance.

Ardeur et peur se mêlaient à son discours. D'un côté, elle ne voulait pas l'énerver ni causer le moindre froissement chez lui, mais elle n'allait pas non plus rester là bien sagement sur ce foutu lit à répondre gentiment à ses question, surtout à celle qu'il venait de poser. Faut pas déconner.

Aïe, c'était mauvais pour lui, ça. Elle commençait à prendre un peu trop confiance. Pour être honnête, il n'avait pas souvent affaire à ça ; les gens se contentant de se rouler en boule, ravagés par la peur. Fallait dire qu'il était puissant, son regard de sadique. M'enfin, c'est lui qui avait la clef, non ? Et une arme, qui plus est. Des tonnes, et de toute sorte. Une vraie armurerie cachée, cette infirmerie. Et Friedrich lui-même, d'ailleurs ; Pas mal de gens l'avaient déjà vu sortir de nulle pars sa longue scie tranchante qu'il chérie tant, comme s'il était capable de la faire apparaître soudainement comme par magie. Pratique pour amputer les jambes des fuyards.

Entendant la réponse et remarque de Crystal derrière lui, il ne put s'empêcher de ricaner, toujours avec sa voix aiguë. Il est vrai que sa question pouvait être mal interprétée, mais… quelqu'un comme Friedrich ne se rendait jamais vraiment compte de ce genre d'erreur, pour des raisons presque évidentes.

Friedrich: Hehe, tu as pien raison. Excuse-moi, ze n'est bas ze gue sche foulais dire. Il se retourna vers elle, retrouvant un sourire plus ou moins rassurant, mais fut un peu circonspect de la voir léviter à nouveau. Tu deffrais zaffoir gue zerdains zoins diffèrent zelon le sexe et l'âge de la berzonne. Et pien affec la "race", c'est bareil. Dieu zait gue nous ne zommes bas tous des êtres humains, ici. Sche n'en zuis moi-même bas tout-à-fait un. Il s'approcha d'avantage et reprit son air sérieux. Ta rébonze bourrait être ezentielle.

Mais forcément, ça ne pouvait pas suffire pour rassurer quelqu'un, homme aussi louche qu'il incarne. Il sentait que Crystal n'allait pas tarder à prendre la fuite ou lui demander gentiment de ré-ouvrir la porte, qui serait d'autant plus cauchemardesque qu'une course-poursuite pour lui. Il soupira rapidement, puis retira ses gants qu'il avait auparavant enfiler en entrant dans la salle, mais que ce sale narrateur avait oublier d'énoncer. Il leva ensuite ses mains, les paumes en direction de sa patiente, qui semblaient d'ailleurs peu à peu s'illuminer d'une lueur rougeâtre semblant à son effigie.

Friedrich: D'accord, d'accord ! Zi tu es auzzi graintive, pourquoi ne pas ezzayer la fieille méthode ? Sch'évite d'udiliser mes pouffoirs en général, mais zi za beut te razzurer…

Oh, mais qu'est-ce qu'une course poursuite l'arrangerait là maintenant. Elle perdait rarement à ça. Cela lui permettrait de sortir du bahut pour aller se mettre à l'abri et en parler à Mei le lendemain ... ou pas. Friedrich avait l'air bien déterminé à la laisser enfermée dans cette salle. Crystal essayait tant bien que mal d'inspecter la pièce de rapides coups d'œil au cas où elle trouverait quoique ce soit ; une sortie, un objet, enfin bref, un truc qui la sauverait si ses pouvoirs n'étaient pas assez. La tristesse et le dégoût la rongeaient, Dieu sait à quel point elle avait été bénie par la nature en recevant des pouvoirs aussi puissants à la naissance mais qui ne sont plus du tout à leur apogée depuis longtemps maintenant.

Mais ce n'était pas l'heure de s'apitoyer sur son sort. Là, elle devait agir, et vite. Voyant les mains du docteur s'illuminer de rouge, elle eut immédiatement le réflexe de se protéger. Comme si un bon gros battement de coeur venait résonner en elle. Elle tendit son bras et sa main devant elle pour créer une sorte de demi-sphère qui l'enrobait à moitié, littéralement un bouclier. L'utilisation de sa magie faisait briller ses yeux ainsi que ses petites tâches de rousseur étoilées parsemées sur son visage. La barrière luisante qu'elle venait de se faire avait un pattern sans pareille: c'était un bouclier cosmique. Aussi profond que le noir de l'univers, jonché d'étoiles et de galaxies. Il était translucide, semblant être fait de cristal malgré son apparence brumeuse et illusoire. Elle sut mettre à ce moment-là sa peur de côté.

Crystal: Crystal Springer, sexe féminin, 20 ans ... hybride. Vous n'avez pas à en savoir plus. J'ai déjà souffert à cause de ça par le passé, je ne veux pas que ça recommence. Comprenez ça s'il vous plaît. Je suis venue pour une entorse.

Elle aussi, elle pouvait avoir un regard terrifiant. Un regard fixé sur son interlocuteur, ne clignant même pas des yeux, accompagné d'une voix monotone. Elle était prête à tout pour ne pas revivre un enfer. Elle était prête à tout pour conserver dans sa poitrine le coeur que son défunt père adoptif a mis tant de mal à concevoir. Elle était prête à tout pour rester en vie.

Friedrich ne cachait pas sa surprise, une telle magie, un tel bouclier et surtout une telle crainte soudaine dont il ne s'attendait certainement pas. Il pensait provoquer l'effet contraire, en fait ; les pouvoirs des Soigneurs étant plutôt rassurants. Mais peut-être que Crystal n'était pas au courant de ses capacités ? Mais cette crainte le rendait, au fond, d'autant plus satisfait, alors persuadé qu'il y avait quelque chose de précieux à l'intérieur d'elle. Littéralement à l'intérieur. Quelque chose qu'elle voulait cacher aux yeux de tous, coût que coût. Et il allait découvrir quoi.

Il s'approcha d'elle, plus doucement cette fois-ci, histoire de la rassurer un peu plus, baissant légèrement ses mains. Gardant certes son sourire, son regard était un peu confus, se sentant un peu maladroit.

Friedrich: Détends-toi, tu n'as bas à t'inquiéter à ce boint, enfin. Che te bropozais chuste d'Hudilizer meine magie à la blace des zoins konformes. Rekarde !

Friedrich tourna légèrement la tête derrière lui et siffla quelque coup, prenant ensuite un ton plus bas :

Friedrich: Archimedes! Komm her! Komm her, mein Süße!

Sortant de l'arrière du paravent blanc au fond de la pièce, une toute petite colombe encore plus blanche vola doucement vers Friedrich, en venant se poser sur sa main. Yeux rouges perçants et tout petit bec pointu avec de belles plumes, elle avait l'air d'un petit ange incarné dans un oiseau. Un réel contraste avec le docteur, tiens. Lui adressant un grand sourire bienveillant, Friedrich pris soudainement un scalpel qu'il avait dans la poche de sa blouse, et tailla une petite entaille vers la joue de la colombe. C'était assez effrayant, étant très spontané et celui-ci gardant son grand sourire aux lèvres.

Celle-ci essayant de s'enfuir, Friedrich lui retint les pattes avec ses doigts. Il leva par la suite sa seconde main, face à la blessure de la petite bête, et celle-ci brilla de nouveau en rouge. Friedrich ferma doucement les yeux, et tandis que la lueur s'intensifiait, la blessure d'Archimedes commençait à disparaître, pour réapparaître progressivement sur la joue du docteur. Au vu de son regard, cette opération n'avait pas l'air de lui être très agréable, mais une fois la blessure de son oiseau totalement guérit, l'entaille sur la joue de Friedrich commença à disparaître relativement rapidement. Il reprit son sourire, embrassa la tête de sa colombe, qui repartit très rapidement dans un coin de la pièce. Il tourna ensuite son regard vers Crystal.

Friedrich: Und ça marche auzi bour les Hentorzes. dit-il en ricanant.

Le regard figé de la jeune fille ne quittait pas Friedrich. Le voir s'approcher plus doucement ne la rassura pas plus que ça, elle n'était pas idiote. Le classique, ça. Elle préférait garder sa position et sa protection pendant encore quelques instants ... jusqu'à ce qu'il appelle quelque chose. Sa fameuse colombe blanche comme neige (peut-être est-ce une princesse ?). Crystal resta sur ses gardes pendant encore quelques secondes mais l'arrivée de l'oiseau la pris au dépourvu et elle annula progressivement sin bouclier, suivant le volatile du regard. Elle ne savait pas quoi penser. Ni quelle expression afficher. Surprise ? Incompréhension ? Inquiétude ? Ou peut-être les trois en même temps.

Crystal: ... Une ...colombe ?

Pendant un instant, son hostilité retomba un peu. Voir un petit animal si mignon lui réchauffa le ... "cœur". Mais la tendresse ne dura pas longtemps. Lorsqu'elle vit le docteur sortir son scalpel, le semblant de sourire qu'elle avait s'effaça complètement, jusqu'à adopter une expression horrifique sur son visage lorsque la pauvre colombe fut entaillée. La pauvre sursauta en même temps que son visage se crispa et elle recula par réflexe, toujours en train de léviter.

Crystal: QU'EST-CE QUE VOUS- ?!

Soudain, la main de Friedrich se mit à briller. La lueur rouge se refléta dans les yeux roses vif de Crystal. Quand elle en constata les effets, elle fut à la fois stupéfaite et toujours malaisée. Son regard passa de la blessure d'Archimedes à celle de Friedrich, qui semblait être la même. Comme s'il l'avait absorbée.

Une fois cette scène assez ... spéciale terminée, Crystal resta figée sans trop savoir quoi dire. Le nerf sous son œil titillait un peu tout seul, comme si elle était à deux doigts de faire un craquage mental, ne sachant plus quoi penser du scientifique fou.

Une fois la colombe partie en sécurité, sans savoir si celle-ci aimait profondément son maître ou était totalement terrorisée par celui-ci, peut-être les deux à la fois, Friedrich se retourna vers sa patiente, le regard un peu plus sérieux, s'impatientant. Mais c'est bien de patience dont il devait faire preuve, s'il souhaitait que ses plans se déroulent à la perfection, sans la moindre petite erreur.

Il s'approcha d'elle, levant ses deux mains, comme proposition. Maintenant, elle savait très bien ce qu'il proposait. Ça ne pouvait pas lui faire de mal, au contraire. Mais c'était étrange. Qu'est-ce qu'il gagnerait ? Est-ce qu'il avait envie d'en gagner quelque chose, déjà ? Ou avait-il juste l'envie d'en finir le plus vite possible afin de rentrer chez lui au plus tôt ? Ce qui passait à travers la tête de cet homme était bien obscure.

Friedrich: Alors. Qu'ein dit-tu ?

Il s'approcha de plus en plus, toujours les mains levées, forçant un regard rassurant. Et on peux dire qu'Archimedes l'aida dans cette démarche ; à force de "taper" partout avec son bec, elle réussit, par un quelconque moyen, à allumer à la radio de Friedrich, diffusant tout bas une petite chanson assez rassurante. Il jeta un coup d'œil à la radio, moyennement surpris, voyant Archimedes juste à côté, puis retourna la tête vers Crystal.

Friedrich: Za zera guérit ein un rien de temps. Tu me fais konfianze, n'est-ze bas ?