C'EST TERRIBLE. [privé]

— 23 décembre.

C'EST TERRIBLE, NOM DE DIEU.

« ON A UN ÉNORME PUTAIN DE PROBLÈME. »

C'est un peu comme ça qu'Alister fut alerté par lettre, envoyée dans le petit bâtiment de travail qui lui servait d'habitation, et directement déposée dans son casier par la direction de "l'établissement". C'était l'écriture de Cuppy, sans aucun doute. Et c'était signé par lui. Celui-ci donna rendez-vous à son ami dans une ruelle peu fréquentée et calme d'Heaven Lake, pas loin du bar clandestin où il travaillait. Quelle idée de se donner rendez-vous dehors avec un temps aussi froid et une neige aussi dense et haute, mais bon, que pouvait-ils faire ? Aller dans un restaurant ? Avec quel argent, de toute façon ?

Rah, Noël approchait à grand pas et ils ne pouvaient compter sur l'aide de personne pour les aider à le célébrer correctement. Mei ? La Senshi la plus dévouée de toute ? Elle était partie pour Hermès fêter la Hanoucca avec presque tous les autres enseignants de l'académie ! La fêter au casino de La Citadelle ? Ugh, quelle plaie. Déjà que Cuppy n'aimait pas le gérant, fêter un tel événement dans un endroit pareil, c'était plus la grosse déprime qu'autre chose. Et ils n'avaient pas d'argent à dépenser, de toute façon. Pas de prime de Noël pour les Toons. Jamais.

Une fois tout deux retrouvés dans la ruelle, Cuppy avait l'air… plus qu'anxieux. Angoissé, faisant les cents-pas ; tellement qu'il en avait dégager la neige de sa zone de passage, s'étant rongé les doigts jusqu'à faire de ses gants des mitaines, et griffé la tasse jusqu'à se fissurer d'avantage qu'il ne l'était déjà. En voyant Alister près de lui, il lui cria immédiatement au visage :

Cuppy: ON EST DANS LA MERDE !! ON EST FOUTUS !!! On pouvait entendre une sirène d'alarme accompagné de ses cris, pendant qu'il suffoquait presque dans sa panique très étrange et énigmatique.

Pour Alister, dès que Cuppy lui envoyait une lettre, c'était un Kinder surprise. On ne savait pas ce qu'il y avait à l'intérieur ! Mais cette fois, il s'avérait que la situation était un peu ... hors de contrôle. Surtout un 23 décembre. À deux jours de Noël quoi (ou un si vous faites partie des nombreux coquins qui fêtent le 24 au soir). Mais le petit démon d'encre n'était pas vraiment ravi à l'idée de devoir sortir par un temps pareil. Il allait devoir faire avec.

Une grosse écharpe autour du cou offerte par Emi, le Toon rejoignit donc son inséparable ami dans ladite ruelle et remarqua bien l'anxiété de son partenaire. Il est vrai qu'ils étaient vachement dans la merde quand même, et lui aussi était à deux doigts de marcher pour les élections.

Alister sursauta lorsque Cuppy se mit à crier et un peu d'encre gicla de certaines parties de son corps comme si elle avait elle-même eu peur, ce qui tâcha la neige au sol.

Alister: HEY BRO ! REPRENDS TOI, ON VA TROUVER UNE SOLUTION ! s'écria-t-il en attrapant les épaules de Cuppy pour le secouer un peu et le raisonner. On est des Toons ! On va pas se faire avoir et passer pour deux cons à pas fêter Noël, c'est moi qui te le dis ! On s'en est toujours sortis à deux alors je vois pas pourquoi cette fois ça marcherait pas ! Reprends toi mon vieux.

Même si c'était lui l'aîné.

Aaaahh, les lettres de Cuppy. Oh certes, parfois ça tournait bien. Mais en général, c'était toujours très alarmant. À devoir encaisser le poids de ses collègues Toon sur le dos, il fallait qu'il trouve un défouloir, quelque chose ou quelqu'un à qui il pourrait refiler tout son stress intérieur. Et quoi de mieux que son meilleur ami, pour ça ? … Attendez, quoi—

Un discours très motivant qu'il sortit celui-ci, d'ailleurs, un discours qui normalement aurait rapidement remit la tête sur les épaules de Cuppy, mais… pas aujourd'hui, apparemment. Son anxiété semblait prendre le dessus. Alors à son tour, il l'empoigna par l'écharpe et le secoua, totalement affolé.

Cuppy: MAIS TU COMPRENDS PAS !! cria-t-il encore plus fort, avant de faire les cents pas dans la neige en adoptant une voix tremblante. Noël, c'est demain soir ET demain, ET ON A NI DÉCORATIONS, NI SAPIN !! JE POURRAIS BIEN ALLER EN CHERCHER UN DANS LA FORÊT, MAIS J'AI PAS LA THUNE POUR M'ACHETER UNE HÂCHE ! ET PUIS SÉRIEUSEMENT, QUI VENDRAIT UNE HÂCHE À UN TOON ?!

Soudain, il se mit à soupirer longuement, comme s'il avait pensé à autre chose qui lui détruit le moral ; à tel point qu'il en tomba par terre, face contre terre, dans un grognement de désespoir. Il allait attraper froid, à force.

Cuppy: C'est sans espoir de toute façon. Pouvait-on entendre brièvement sous la neige.

Ahhh, pauvre Cuppy ... pourrait-on en dire autant d'Alister. Souvent seuls dans leur merde, ils n'avaient que l'un pour compter sur l'autre, et c'est ça qui faisait d'eux de vrais frères, même s'ils n'étaient pas reliés par le sang ... ou plutôt, par l'encre. Parole d'Alister ! Ce dernier répondait d'ailleurs toujours présent lorsque son bon vieil ami avait besoin de lui, même s'il devait accepter le rôle de défouloir—

Mais apparemment, son petit discours ne fit pas l'affaire cette fois. Lui qui était souvent le plus posé et réfléchi des deux lorsqu'il y avait urgence ou autre. Cela peina le démon mais il n'eut pas le temps d'avoir triste mine puisque Cuppy était déjà en train de faire ce qu'il y avait à faire si on voulait faire vomir de l'encre le pauvre Alister. Le Toon monochrome fixa son meilleur ami marcher encore et encore pendant de longues secondes, écoutant ce qu'il racontait, avant de le voir se planter la tête la première dans la neige ... et de finalement lui-même vomir d'un coup et abondamment un bon paquet d'encre. Il laissa quelques secondes de silence après son ... rejet, s'essuyant la bouche et regardant tristement la neige qu'il avait salie.

Alister: Personne vendrait de hâche à un Toon mec. Même la hâche voudrait pas de nous. Il tourna de nouveau sa tête vers Cuppy et s'avança vers lui pour prendre sa main et tenter de le relever en le tirant vers lui. Mais de toute façon, manger la neige ça nous aidera pas non plus ! Y'a pas des gens ici qui ont des pouvoirs ou je sais pas quoi qui nous seraient utiles ? Je sais pas, genre Mei ? Il soupira en lâchant un petit "tss" agacé. Et dire qu'Emi pourrait tellement nous aider avec son pouvoir artistique, mais elle est à Osiris dans ce fichu casino.

Cuppy était pris dans ses paroles et ses pensées qu'il en oubliait même le monde extérieur, c'est à peine s'il remarquait réellement ce qui était autour de lui. Mais bon, une ruelle sombre aux pavés ressortant trop du sol à cause de leur vieil âge, avec une légère odeur d'urine et de bière dissimulée sous la haute neige… qui avait-il de bien intéressant à regarder/remarquer, à part qu'ils étaient encore une fois à la place des clochards, et qu'ils le resteraient sûrement à jamais ?

Mais la détresse du Toon était telle qu'il n'entendit à peine son "frangin" vomir abondement non loin de lui. À vrai dire, à cet instant, il pensait surtout à lui-même, et d'à quel point il n'était qu'une sale merde. Une vermine, une ordure. Ça lui arrivait, des affres de narcissisme, voire même d'autolâtrie comiquement exagérée, mais de s'auto-dévaloriser à ce point ? Beaucoup plus que ce que les gens ne pensaient ; à défaut de pouvoir l'entendre de sa propre bouche.

Une facette de lui-même qu'il cachait même à son fidèle acolyte. Jusqu'à aujourd'hui. Il tourna la tête brièvement en sa direction, le regard grognon, puis répondit ;

Cuppy: …Mei, elle a franchit le portail pour aller fêter la Hanoukka avec son "namoureux", ce connard de John. On peux pas compter sur sa fille, elle est avec lui. On est seuls sur ce coup, frangin. Il marqua une pause et retourna sa tête dans la neige, ignorant la main que lui tendait Alister. Même si Emi nous aidait, notre Noël serait quand même gâché par ma faute. ……… J'ai pas été sage, cette année. Ni toutes les années précédentes, quand j'y pense. J'ai crié sur des collègues… j'ai insulté des gens…

Cuppy se releva lentement, le corps tremblant, et les yeux gorgés de larmes.

Cuppy: J'ai été sec avec une fan, et… J'ai fait virer une collègue sans le vouloir en prenant sa défense et en insultant son boss ! COMMENT TU VEUX PASSER UN BON NOËL, ALORS QUE LE PÈRE-NOËL LUI-MÊME DOIT PROBABLEMENT ME DÉTESTER ?!

Cria-t-il en pleurant exagérément comme une madeleine, tel un de ses vieux cartoon. Et sans même le savoir, il venait de faire découvrir à Alister une nouvelle facette de lui : Bien qu'ayant un vécu de 95 ans, il avait toujours 10 ans d'âge mental.

Alister essayait généralement de voir le positif là où Cuppy y voyait le négatif. Chose qui n'était pas toujours aisée. Et cette course folle à la préparation d'un Noël foireux était un parfait exemple ... qui ne se fit pas attendre pour tourner au drame. Le démon vit bien que son acolyte comptait rester au sol à même la neige sans prendre sa main, mais il se rendit compte que quelque chose clochait ... Cuppy n'était vraiment pas dans son état normal.

Ils s'étaient toujours débrouillés, ces deux-là. Depuis le jour où tout à basculé pour eux, depuis le jour où ils devinrent plus phobiques de la perte d'autrui que jamais. Même si la vie était dure pour eux, ils se serraient toujours les coudes. Et qu'est-ce qu'Alister était heureux d'avoir cette tasse dans sa vie. Sans lui, il ne serait probablement plus rien. De même pour Cuppy. Sans son démon favori, que serait-il ? Car même à ses côtés, il trouva enfin le moment de craquer. Chose qu'il n'avait jamais faite auparavant, à cette ampleur du moins.

Le Toon noir et blanc se mit alors à écouter les lamentations de son ami, qui n'étaient au début que de simples constatations mais qui se changèrent rapidement en cris de détresse. Ses pupilles rétrécirent lorsqu'il le vit se relever avec les yeux imbibés d'eau, subissant alors ses tristes paroles hurlées dans la douleur la plus déchirante qu'il n'avait jamais entendue.

Alister se figea sur l'instant, impuissant devant son partenaire en train de pleurer. Il ne l'avait jamais vu dans cet état. Jamais. Ses mains se mirent à trembler à son tour, ne sachant même pas trouver ses mots et n'osant pas le toucher de peur qu'il le repousse dans la tristesse. Il se tenait alors là, au beau milieu de la neige, face à Cuppy, le bras à moitié levé vers ce dernier mais restant immobile. Il finit par reculer sa main, ne voulant pas aggraver l'état détruit de sa tasse favorite.

... Et puis merde. Alister ne supportait pas de voir sa seule et unique famille restante dans cet état. Alors il ne dit rien et s'empressa de serrer Cuppy dans ses bras, aussi fort qu'il le pouvait, comme s'il avait peur de le perdre. Tremblant à son tour, une larme faite d'encre coula lentement sur la joue pâle du Toon monochrome.

Si le Cuppy habituel voyait dans quel état il était, il aurait profondément honte. Lui qui voulait toujours paraître irréprochable, dur comme un patron. Mais ce n'est pas ce qu'il était, enfin pas entièrement en tout cas. Pour le meilleur, cependant. Une tête dure sentimentale, c'est toujours mieux qu'un sociopathe puissant et insensible. Il mit alors ses mains autour d'Alister et le serra contre lui à son tour, déversant des larmes alors beaucoup plus "sincères", semblant moins exagérées. Il paraissait plus calme, d'ailleurs. Dans sa détresse, il lâcha ces quelques mots ;

Cuppy: …il me manque tellement…

Lui qui n'en parlait jamais, c'était assez surprenant d'entendre cet aveu de sa part. Bien que minime, il avait toujours tendance à garder tout pour lui, considérant les problèmes des autres comme largement plus importants que les siens, et qu'il n'était donc pas légitime. Il semblait impossible à consoler, quand soudain une faible mélodie retentit du bâtiment à leur droite, vers le sous-sol. Il l'a connaissait, cette mélodie. Un vieux morceau qu'il jouait, et joue encore en fin de show avant de tout ranger. C'était sûrement sa collègue Toon préférée qui l'a jouait à cet instant, le sous-sol de ce bâtiment étant un bar clandestin. Agréablement surprit, ses larmes stoppèrent. Mais une voix peu familière fit son entrée au bout de l'allée.

Jane: Eeehh beh, ça a pas l'air d'aller fort, vous deux.

Cuppy: Euh… Jane ? Dit-il en se retournant et en séchant ses larmes avec sa main. Mais…

Elle se tenait là, au bout de l'allée, penchée légèrement en avant, vêtue d'un grand manteau en laine jaune, d'une écharpe blanche, de bottines en cuir et d'un short en jean clair un peu troué, mais nettement moins troué que ses collants noirs à travers lesquels on pouvait voir l'état de ses jambes… assez déplorables ; des tas de bandages et de pansements encore ensanglantés. Dans son dos, on pouvait légèrement distinguer qu'elle tenait une paires de cannettes. Cuppy fut assez confus de la voir ici, étant persuadé qu'elle n'était même plus sur Terre. Mais contrairement à sa sœur, il ne la connaissait que très peu.

Un frisson parcourut le petit démon. Il était toujours habitué à voir son frère, bien que non biologique, se revêtir d'une carapace pour ne pas laisser ses sentiments et émotions visibles aux yeux des autres. L'entendre parler aussi tristement et mélancoliquement de son défunt frère lui pinça le coeur, même s'il savait depuis toujours que ce sujet pouvait causer ÉNORMÉMENT de peine à Cuppy. Mais il faut dire qu'il ne s'y attendait pas du tout. Face à tant de sincérité de sa part, Alister se sentit alors beaucoup plus fragile lui aussi et très sentimental d'un coup. Il essayait tant bien que mal de le réconforter. Même si ce n'était pas gagné...

Alister: Je sais, Cuppy... Je sais... À moi aussi...

Le petit Toon noir et blanc reconnut soudainement aussi la musique qui venait gentiment interrompre le "calme" qui dominait jusque maintenant, et tourna alors son attention en direction du bruit. Lorsqu'il vit la fille aînée de John, il se mit presque à balbutier.

Alister: J-Jane... ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Demanda Alister assez confus, aidant peu après son acolyte à essuyer ses larmes avec ses propres gants tous blancs de cartoon. Pour être honnêtes, on te croyait avec ton père...

Après tout, ce n'était pas une mauvaise chose de la voir ici. Peut-être qu'elle allait pouvoir les aider, qui sait ? C'est ce qu'Alister espérait, mais il était pour le moment plus surpris qu'autre chose.

Alister: En fait on... s'est morfondus sur notre sort parce que notre Noël risque d'être vraiment... Vraiment éclaté. Honnête, le gamin. Enfin, "gamin"...