God, don't let me lose my body.

[ Crystal Springer, Friedrich Maxis ]

Quoi de mieux après les cours que de partir se détendre seule, et on précisera bien seule, dans cette très chère et incroyable salle des profs ? Crystal venait de terminer sa journée, légèrement fatiguée mais ça c'est comme tous les soirs. Le pas léger, elle traversait les couloirs de la belle académie, ne croisant presque personne à cette heure-ci ... presque personne, sauf une en particulier. Il s'avérait que ce soir-là, Sora traînait un peu après les cours et ils se percutèrent, allant tous deux un peu vite dans leur marche. La jeune professeure n'avait pas prit la précaution de sentir son aura arriver dans le virage du couloir, étant plongée dans ses pensées, et la pauvre dégringola dans les escaliers qui se situaient juste à côté. Malgré la chute et les excuses sincères de Sora, Crystal le rassura en lui confiant qu'elle pourrait se rendre seule à l'infirmerie et qu'il pouvait disposer, ayant le pouvoir de léviter. L'infirmerie, en effet, car c'était sa cheville qui venait de déguster dans cette descente express des plus épiques. Malheureusement ...

Crystal: ... c'est pas vrai.

Elle déglutit, sachant très bien ce que cela voulait dire. Lévitant donc dans les couloirs pour se rendre dans le deuxième lieu infernal de l'académie après la salle des profs (avant lorsque celle-ci accueille John), prenant le soin de ne pas trop bouger son pied, elle devenait de plus en plus nerveuse. Se fouler la cheville est généralement synonyme de radio. Et qui dit radio ...

Sora riait. Pas aux éclats, non. Il ne se le permettrait pas. En fait, si. Il attendait juste d'être assez éloigné de Crystal pour le faire. Mais la moitié des élèves se trouvant dans le couloir avait entendu ce rire diabolique, pour dire. Même le nez en sang, des bleus partout sur le visage ou une putain de jambe en moins, il n'irait jamais rendre visite au docteur de l'académie, et préférait d'autant aller risquer sa vie à demander à la Soigneuse Senshi à la place. Et il n'était pas le seul, d'ailleurs. Mais tant qu'on était jamais allé rendre visite à Friedrich, on ne pouvait pas le redouter à ce point.

Et encore, la petite Crystal aurait pu avoir de la chance. Herr Doktor n'aime pas trop traîner dans son infirmerie lorsque les cours sont terminés. Un bon Shakespeare dans un bon canapé sous l'océan (il est interdit de chanter la chanson) est bien plus agréable que procrastiner. Parce que procrastiner, c'est pour les faibles. Donc, il aurait très bien pu ne plus être là depuis longtemps. Mais les expériences, c'est long à nettoyer. Son sac bien rangé telle une belle case dans une partie de Tetris, Friedrich sortit donc de son repère, toujours aussi bien vêtu comme un vieil aristocrate, mais visiblement incapable de nettoyer les mini gouttes de sang sur ses lunettes. Mais bien voir c'est pour les faibles aussi, j'imagine ?

Chantonnant sa petite chanson favorite sans faire attention à son entourage, il trottinait tout droit vers Crystal sans même le savoir.

Friedrich: Vhen you need to feel big undt schtrong ♪ Reach fur Chuggernog tonight ♫ Et qui ne regarde pas où il va, se prend forcément des gens en chemin. Oof—

Décidément, c'était sa journée. Ou plutôt, sa soirée. La petite adulte faillit tomber de nouveau mais parvint à se maintenir au dessus du sol à peu près droite. Elle poussa un léger cri surpris et se rendit compte à qui elle avait à faire. Carrure imposante, lunettes tâchées de sang, ça ne pouvait être que lui.

Crystal: E-euuuh, désolée ...... Friedrich ... ? Je ne regardais pas où j'allais et ... mince vous partez déjà.

"Mince", qui pouvait en réalité se traduire par un "bordel, yes". Elle ne s'était encore jamais rendue à l'infirmerie mais elle avait entendu, disons ... quelques rumeurs. Mais tout de même, ça l'embêtait un peu, ne pouvant pas faire appel à un très bon ami à elle qui était un elfe druidique car il n'était pas à Heaven Lake. Est-ce qu'il allait bien vouloir retourner sur ses pas et rouvrir l'infirmerie ? Mystère.

Crystal: Je voulais vous voir parce que je viens de ... chuter dans les escaliers. À cause de Sora. Je l'ai entendu rire en plus. Elle murmura ses deux dernières phrases et marmonna un peu ses mots avant de reprendre normalement. Mais si vous avez fini je ne vais pas vous embêter pour ça hein !

Rouvrant les yeux et détachant son esprit de sa chansonnette, Friedrich baissa les yeux, curieux, mais surtout surpris de savoir qui il avait failli percuter. Petite taille, amas de cheveux éclatants et aura lumineuse, il ne pouvait s'agir que d'une seule personne. Une personne qui le fascinait beaucoup, par ailleurs. Quelle coïncidence étonnement pratique. Friedrich était ce genre de personne à littéralement maudire tout le monde indirectement et involontairement, tout en ayant quasiment tout ce qu'il voulait à longueur de journée.

Friedrich: Oh— Ponchour, Krystal !

Friedrich, partir ? Oh non, pas avec une si grande opportunité à portée de sa main. Pas sans savoir de quoi sa mystérieuse collègue était composée. Revider son sac bien rangé ? Aucun problème.

Friedrich: Zacré Sora. Zoit il ne rekarde schamais où il fa, zoit il le fait exprès. Enfin ! Il n'y a bas de zoucis, che ne zuis pas enkore parti. Zuis-moi, che fais t'Harranger ça.

Sur ces mots, il lâcha son ricanement le plus effrayant, tout en essayant de le taire et de cacher son rictus inquiétant. Remarquant bien qu'il n'y arrivait pas, il regardait Crystal dans les yeux avec gêne, et se racla la gorge tout en réajustant le col de sa chemise blanche. On pouvait presque voir une goutte de sueur couler sur sa tempe. Ça c'était un de ses gros défauts ; l'incapacité à inspirer la confiance. Même John, pourtant son meilleur ami, doutait souvent de lui. Et c'était parfaitement légitime.

Crystal: Oui oui en effet, sacré Sor- ...

Elle écarquilla les yeux d'un air terrifié. Un ricanement pareil était inattendu. Enfin, vu le personnage, si. Mais cela la surprit quand même. Cela venait bien confirmer les rumeurs à son propos. C'était un scientifique fou, obligé. Elle déglutit et voyait bien qu'il tentait de paraître "normal", ce qui rendait la situation encore plus gênante. Mais surtout flippante. Il n'allait rien lui faire, hein ? Il ne cachait pas des scies et des tronçonneuses dans sa salle, hein ? Elle allait ressortir de là vivante, hein ?

Continuant à léviter au dessus du sol, elle fut bien obligée de le suivre contre son gré. L'atmosphère était pesante et elle commençait à se dire que c'était peut-être une mauvaise idée d'être venue le voir. Mais c'était ça ou avoir mal toute la soirée et la nuit une fois rentrée chez elle. Elle priait au fond d'elle pour que ce soit rapide et pour qu'il ne se passe rien de terrifiant.

Oh non. Son regard inquiet n'indiquait rien de bon, pour Friedrich. C'était déjà un pas en arrière vers la porte de sortie de l'académie. Enfin, il n'allait pas abandonner de si tôt. Surtout qu'à cet instant, c'était tout juste impossible. Et puis, avec ce qu'il avait en tête, il allait bien être obligé de mettre les barrières lui-même.

Friedrich marchait à côté d'elle, adaptant sa vitesse à celle de sa patiente, tout en la surveillant du coin de l'œil ; prêt à lui agripper le bras si elle tentait d'un coup de prendre la fuite. Son sourire censé être rassurant n'avait absolument rien de réconfortant, surtout quand l'on pouvait presque voir ses plans machiavéliques dans ses beaux yeux clairs.

Arrivant à la porte de l'infirmerie, il sortit une clef en métal d'une poche de son veston, puis déverrouilla la porte. Il l'ouvra en grand, tendit sa main, se baissa légèrement, puis murmura ;

Friedrich: Che t'en prie. toujours le sourire au lèvre, regardant Crystal dans les yeux.

Malin d'être sur le qui-vive si sa patiente venait à fuir, mais quand on a à faire à quelqu'un d'extrêmement rapide qui se déplace en plus plus vite par voie de lévitation que par voie terrestre ... Mais de toute manière, il n'aurait pas eu à la kidnapper de la sorte puisqu'elle a décidé d'affronter ce qui l'attendait. Crystal jeta quelques rapides coups d'œil vers le docteur mais en évitant tout contact visuel, son regard était bien trop terrifiant. Enfin, elle en avait vu des choses effrayantes dans sa vie. Elle avait vu la mort toquer à sa porte pas mal de fois aussi, et cette porte a su rester fermée pendant tout ce temps. Elle n'allait pas s'ouvrir aujourd'hui, quand même ? Elle l'espérait, en tout cas. Elle y croyait dur comme fer.

Mais la jeune fille dû mettre ses certitudes de côté en voyant la pièce qui venait de se dévoiler sous ses yeux. Une salle d'infirmer, ça on pouvait le confirmer, mais avec une petite touche ... morbide. Certains objets avaient l'air de ne pas devoir être là, comme des intrus, et l'atmosphère était différente. Très différente.

Crystal: Mer ... ci ...

L'inquiétude se faisait de plus en plus grande mais elle entra, un peu hésitante au début. Crystal savait se défendre, s'il venait à se passer quelque chose. Elle était rapide, agile, avait de bons réflexes ... mais la résistance, ce n'était pas son truc. Face à quelqu'un d'aussi grand et large, avec un corps aussi fragile, elle n'avait aucune chance. Enfin, elle essayait de se convaincre qu'il n'allait rien lui faire, étant en plus une collègue ... pas vrai ?

Les petits pas hésitants de Crystal se dirigeant dans la petite salle macabre, Friedrich entra à son tour en fermant la porte, prenant bien soin de refaufiler la petite clef dans la serrure, verrouillant discrètement la porte, fixant toujours sa collègue contemplant cette infirmerie morbide à souhait. Rentrant la clef dans la même poche, il se dirigea vers une table où il y reposa son sac, puis vers le fond de la pièce où se trouvait tous ses outils. Car oui, on pouvait bien parler d'outils. Il jeta quelques regards à droite à gauche, semblant réfléchir.

Friedrich: Tu beux t'allonger, che n'en ai pas pour très longtemps. On pouvait le voir bouger partout à l'arrière, comme s'il cherchait quelque— ARH ! Où est-ce gue che l'ai mis ?! —chose.

Semblant ne rien trouver (car cet homme n'est que très peu organisé), il se dirigea vers les étagères où se trouvait son sac, puis chercha dans tous les tiroirs, visiblement un peu ennuyé. Cependant, après quelques tiroirs, il finit enfin par trouver ce qu'il cherchait. Il sortit une sorte de grande tablette noire, une sorte d'écran assez large et lisse semblant fait de verre, puis se dirigea vers Crystal.

Friedrich: Où as-tu mal Hexactement ?

Malheur. La jeune fille avait des sens affûtés. Elle entendit la porte se verrouiller non loin derrière elle. Elle déglutit en se demandant vraiment ce qui pourrait bien se passer pour que Friedrich verrouille la porte, mais se retint de faire toute réflexion à ce sujet pour le moment. Pendant qu'il était occupé à chercher on ne sait quoi, elle lança un regard rapide vers la porte, et ses doutes se confirmèrent. La clé était manquante. Du calme, tout va bien. Ça n'allait pas être long, n'est-ce pas ?

Elle se dirigea comme il le lui dit vers la table d'opération et usa quelques secondes de sa lévitation pour s'y asseoir et tendre la jambe où elle s'était blessée. Lorsqu'elle vit le docteur revenir avec une grande tablette dans les mains, elle se posa trente mille questions.

Crystal: Principalement à la cheville, du coup ... Je pense qu'elle s'est foulée. Elle lui répondit d'une voix un peu désorientée et pointa du doigt l'objet qu'il tenait. Et euh ... ça, c'est pour faire quoi ... ?

Que Dieu fasse en sorte de la protéger d'une radio, s'il vous plaît. S'il découvrait quoique ce soit, elle était fichue.

Juste à côté du lit lui faisant office d'une sorte de « table d'opération », Friedrich regardait Crystal suite à sa question. Il prit alors sa tablette d'une main qu'il tendit en l'air, pris un air très fier légèrement narcissique, puis lui répondit ;

Friedrich: Ça, c'est und taplette à rayon X fapriquée bar mes zoins eine 40 minudes ! Und de mes bremière inffenzion. Touchours fonczionnelle, fort heureusement.

À croire que tous ses appareils étaient de lui, décidément. Peut-être même le lit, qui sait ? Pas mal de personnes se sont d'ailleurs amenés à penser que celui-ci n'utilise et n'achète aucun appareil médical s'il n'est pas fait de ses propres mains car il n'y accorde aucune "confiance". Cela expliquerait pourquoi les médicaments qu'il prescrit sont totalement inconnus pour tout le monde.

Toujours le même sourire satisfait aux lèvres, il plaça la tablette en face de la cheville de Crystal, et regarda au travers. En regardant bien, il fut certes un peu déçu de voir une composition relativement normale, mais après quelques secondes, ses yeux s'écarquillèrent soudainement. Il tordit un peu la tête, comme embêté.

Friedrich: Eh peh… tu t'es fait und scholie entorze. Attend, sche fais arranger ça tout de zuite.

Se retournant et marchant une nouvelle fois vers son espèce "d'arrière-boutique", il se stoppa soudainement, comme s'il venait de réaliser quelque chose. Il en perdit même son souffle. Il retourna immédiatement voir Crystal, attrapa son stéthoscope accroché sur un porte manteau à côté du lit, puis se pencha légèrement vers elle.

Friedrich: Tu permets ? dit-il avec un air très, très, TRÈS curieux et intéressé.