j'aime le bruit blanc de l'eau [ privé ]

dafnee reece:

La cloche avait sonné. La pause était arrivée. Dégageant à grand coup de sourires et de douces paroles les derniers récalcitrants qui se trouvaient un passion étonnante pour le livre étudié un peu plus tôt dans la journée, Dafnee pouvait enfin respirer. Les élèves avaient au moins pour eux un minimum d'insouciance qui les distinguaient de ses collègues qui pouvaient parfois lui taper savamment sur le système. Fallait que jeunesse se fasse, après tout, même si elle semblait durer longtemps pour certains. On pouvait pas non plus tous être doté d'une sagesse sans borne, le monde serait bien fade, autrement.

Son sac sur l'épaule, quelques cours sous le bras qu'elle n'avait pas réussi à faire rentrer dedans par une magie qu'elle ignorait (comment ce bordel avait pu rentrer une fois et n'y arrivait plus maintenant sérieusement ?), la professeure s'était dirigée d'un pas décidé vers la machine à café. Le graal de tous les enseignants. Et, se saisissant d'un cappuccino pour son ami qui tenait par l'opération du bon saint esprit dans sa main, s'était enfin perdue dans les couloirs, à la recherche un peu désespérée du surveillant.

— Tr-

Les cheveux légèrement en batailles parsemés de fleurs (elle aurait presque pu se les arracher, à ce stade), Dafnee avait eu la merveilleuse idée de lui faire un grand signe de main, à Troy. Bon. Le risque n'avait pas été bien calculé, si bien que les copies sous son bras venaient de lamentablement s'échouer sur le sol. Mais au moins, elle était restée polie.

— Mais c'est pas possible.

Un long soupir. Un regard consterné. Putain, qu'est-ce qu'elle méritait ses vacances au bord de la plage, à écouter l'océan. Le bruit blanc de l'océan, c'est toujours mieux que les élèves turbulents et les disputes en salle de réunion, non ?

Troy:

Il s'était posté droit comme un piquet, évitant de trop bouger pour ne pas faire de croche-patte malencontreux aux jeunes gens qui passaient. C'était la pause et les élèves avaient tendance à être un peu trop heureux à l'idée d'avoir une pause de quelques minutes. Troy adorait voir des sourires sur les visages des autres mais il fallait parfois faire preuve d'un peu de discipline. Heureusement qu'il n'était obligé de rien dire, sa seule présence calmait un peu les plus téméraires.

- Regarde, y en a un qui est tombé là-bas haha! Murmura une petite voix insolente à l'intérieur de sa bouche, la bestiole fit mine de ne pas le relever.

Il entendit au loin une voix familière et ce qui semblait être un bout de son nom. Il leva la tête en sa direction et découvrit Dafnee qui lui faisait de grands signes avant de finir par terre. Elle avait fait tomber tous ces papiers et semblait à présent bien embêtée. Troy n'allait tout de même pas la laisser comme ça!

Il se tourna subitement, emportant trois lycéens dans son sillage. Il s'excusa platement avant de se faufiler entre les gens qui s'écartaient doucement sur son chemin tandis que la langue ricanait mesquinement entre ses dents.

Arrivé à la hauteur de son amie professeure, il la salua joyeusement. Elle avait les cheveux parsemés de fleurs. Troy adorait les fleurs. Il n'arrivait pas à les tenir en vie et se sentait toujours très coupable de les faire faner si vite. Il était très admiratif devant la vivacité de toutes ces petites plantes colorées qui poussaient dans la crinière rousse de Dafnee.

- Dafnee! Tout va bien, tu as besoin d'aide?

Il s'accroupit à côté des papiers tombés, tendant les mains, prêt à l'aider à tout ramasser.

Dafnee Reece:

Catastrophe. Après les papiers qui tombaient par terre, c'était les élèves qui s'écroulaient au sol. Qui tombaient comme des mouches, balayés par la force naturelle de son ami si particulier. Elle s'en fichait bien, Dafnee, qu'il soit pas tout à fait dans les normes (même sacrément pas): ce qui importait, c'était ce qu'il y avait à l'intérieur. Et chacun méritait sa chance. Chacun. Surtout avec la jeune femme un peu trop naïve malgré la froideur que lui avait soufflé la vie au creux de son oreille.

Les yeux fermés et les sourcils froncés au fracas qu'avait causé la chute inopinée des lycéens, elle n'avait trop su bouger, de peur d'aggraver son cas. Et si son café se renversait sur elle, brûlant ? Pire, sur ses copies fraichement ramassées. Ça la foutait mal, et la professeure mettait un point d'honneur à relever le niveau de ses collègues. Fallait bien qu'un professeur soit irréprochable et sache faire son boulot correctement. Une petite lueur rousse d'espoir pour les élèves qui croyaient encore à leur avenir.

— Eh, Salut....Troy.

Dépitée par le spectacle qu'elle lui avait joué, un petit sourire contrit se posait sur ses lèvres carmins. Besoin d'aide ? Sacrément, même. Et pas qu'un peu.

— Je vous ai pris un cappuccino, à toi et pour Darla aussi.

Fallait pas oublier la langue qui ne restait jamais dans sa poche.

— Tu n'as qu'à m'en débarrasser le temps que je ramasse, ajoutait-elle un peu gênée.

Elle aimait bien Troy, Dafnee. Elle l'aimait vraiment beaucoup. Mais en même temps, comment passer à côté d'une créature aussi adorablement paradoxale ? Il était bien l'incarnation même de ses croyances: un petit être tout ce qu'il y avait de plus mignon et attendrissant dans une enveloppe franchement indélicate. Enfin, elle y trouvait un certain charme, dans ses traits pas vraiment humain, mais force était quand même de constater qu'il n'était pas tout à fait formé de la même terre qu'elle. Loin de là.

Troy:

Elle n'avait pas l'air très contente, Dafnee, au grand désarroi de Troy et même de Darla. Parce que oui, elle avait beau être mauvaise langue, elle savait apprécier la compagnie de d'autres personnes que son hôte, faute d'être forcée de s'en accommoder. Accroupi au près de la dame plante, la grande bestiole était prête à mettre la main à la pâte pour aider son amie quand celle-ci lui répondit.

Elle avait lui pris un cappuccino! ..Enfin, leur avait pris. Darla jubilait. Elle adorait ça au même titre que l'échassier qu'elle habitait, alors lorsqu'il ouvrit la bouche, elle ne manqua pas de prendre les devants pour la remercier vivement. Ils n'étaient pas souvent d'accord sur la nourriture, tous les deux, sauf que c'était Troy qui avait le contrôle des bras, donc il avait tendance à choisir ce qu'ils mangeraient. Bien sûr, il faisait parfois des efforts! Une bouche qui vomit dans une bouche, c'était pas la sensation qu'il préférait.

- Oh merci Dafnee, tu es un ange! Lança-t-elle d'une voix grinçante de mantière inhabituellement bienveillante.

- Merci beaucoup! Ajouta la créature qui remuait doucement la queue en signe de contentement. (Elle avait cependant veillé à ne renverser personne cette fois!)

Troy attrapa le verre qu'elle lui tendit. La débarrasser de ce petit fardeau faisait d'une pierre deux coups. D'un côté, deux heureux savourant un breuvage légèrement amer, de l'autre, une professeure pouvant ramasser sa paperasse malencontreusement échouée sur le bitume.

Ses deux mains autour du récipient, le tenant comme un trésor qu'il avait peur de briser, il observait Dafnee récupérer ses copies. Il y en avait beaucoup. Il était admiratif de voir tout le mal qu'elle se donnait pour les élèves de l'académie, d'un altruisme débordant, se démenant pour leur offrir un futur digne de ce nom! Troy ne pouvait pas en dire autant de lui, il balayait ces pauvres adolescents bien trop souvent, faute de ne pas être celui qui balayait leurs rêves.. C'était déjà ça.

Il but une gorgée de son café, gorgée dont le quart fut ensuite bu par Darla.

- Ca en fait des copies, dis donc! Déclara-t-il peu trop enjoué. Ce sont des choses à rendre ou à corriger?

Dafnee Reece;

Il y aurait eu quelques années de cela, à force de travers et d'errances fortuites qu'elle taisait bien volontiers, qu'elle gardait sincèrement pour elle, bien au chaud, histoire de servir une poignée d'anecdotes croustillantes sur sa vie passée, Dafnee aurait pu croire l'espace d'un instant qu'elle finirait par devenir amie avec une créature aussi loufoque que Troy. Enfin, c'était pas tant dans son caractère (quand il savait se montrer tout à fait charmant et délicat, faute de l'être physiquement) que dans sa structure, dans la façon dont on avait bien voulu le créer. Un xénomorphe, quoi. Et pourtant, voilà que la femme plante se trouvait dans une relation tout ce qu'il y avait de plus cordiale avec cette espèce d'extraterrestre (ou quelque chose qui s'en rapprochait) à lui offrir un café, pour lui et la bouche toute particulière qui avait élu domicile chez lui.

C'était d'ailleurs bien elle qui l'avait remercié, d'une voix grinçante, pas tout à fait habituée à la délicatesse et la bienveillance. Mais Dafnee était une des rares personnes à avoir su l'apprivoiser (si ce n'était la seule). Darla connaissait d'ailleurs quelques uns de ses secrets pas si bien gardés, mais qu'elle espérait assez bien pour au moins ne pas entacher sa réputation. Effort qui ne servirait probablement à rien, certes, mais effort qu'elle avait fait dans un soucis de non-transparence flagrante.

— C'est rien, vous en faites pas. J'étais simplement sur le chemin et je me suis dis que ça pourrait vous faire plaisir. Enfin, à toi et Darla.

Ce qui semblait être le cas, pour son plus grand soulagement. Baissée au sol pour ramasser ses papiers, elle les avait rapidement glissé dans son sac avant de se relever, et de taper ses vêtements pour y remettre un peu d'ordre. Comme dans ses cheveux qui allaient ça et là, garnis de fleurs en tout genre étonnamment rayonnantes.

— A corriger. J'ai ramassé le devoir maison de ma classe. Ça promet de longues soirées à s'arracher les cheveux en buvant des litres de thés si tu veux mon avis.

Autrement dit, elle ne pourrait pas vraiment sortir avec lui, ces prochains jours, comme il pouvait parfois le faire. Aussi étrange que cela puisse paraitre, Troy était son petit quota de normalité, et de tranquillité. A quelques exceptions près.

Troy:

La bestiole noire observait les copies avec une certaine curiosité, ils en avait écrit des choses ses élèves sur toutes ces copies, ils devaient savoir beaucoup de trucs ou bien faire semblant d'en savoir beaucoup. Si son amie l'avait en cours, il ferait sûrement partie de ces élèves désespérant, quand bien même il ferait beaucoup d'efforts pour ne pas l'être! Dire que c'était tout juste s'il arrivait à écrire son nom et son prénom avec ses grandes pattes qui lui servaient de main.

Dafnee ramassa ses copies rapidement sous le "regard" (faute d'avoir des yeux) des deux compères qui partageaient le même corps, du moins la même bouche, en sirotant un café bien savoureux.

C'était donc des devoirs à corriger - c'est vrai qu'ils manquaient des rouge pour des travaux déjà corrigés - et la professeure annonçait d'ores et déjà qu'elle allait s'arracher les cheveux en buvant des litres de thé sous la mine horrifiée de Troy.

- Oh non! Ne fais pas ça à tes beaux cheveux! Ils ne méritent pas de subir les écarts de tes élèves! Paniqua-t-il.

Il en avait pas lui, et pas des aussi jolis. Et pas de fleurs non plus. Parfois il se disait qu'il aurait bien voulu avoir une chevelure étincelante mais ça ne lui irait peut-être pas. Pendant ce temps, Darla ricanait en prévision de la prochaine bêtise qu'elle aurait à grincer.

- Même pas encore lues qu'on sait déjà qu'elles sont déjà claquées au sol, annonça la langue insolente. Si t'as besoin d'aide pour corriger, Troy sait écrire les zéros.

- Pas que.. Le reste des numéros aussi. Je sais même écrire la date.

Ultime persiflage de cette langue effrontée avant que la bestiole ne ne la noie sous une nouvelle gorgée de sa boisson caféinée.

- Tu te rendais quelque part avant de venir nous faire un coucou? Demanda l'espèce d'alien.

Si déjà elle s'était donné la peine de venir le voir jusqu'ici, il pouvait tout de même faire un bout de chemin avec elle. Et puis ça écartera tous les adolescents à qui viendrait l'idée de bousculer Dafnee, même sans faire exprès.

Dafnee Reece;

Feuilles ramassées, copies sauvées, Dafnee soufflait, presque soulagée d'avoir pu retrouver avec exactitude la totalité de ses copies. Quel embarras que de se retrouver devant cette salle remplie de têtes blondes avides de savoir et de connaissance, les bras ballants, bien embêtée de ne pouvoir rendre à ses élèves leurs devoirs remplis de sueurs et de larmes. Celles qu'ils avaient dument accordé au professorat, chatouillant gentiment leur corde sensible dans l'espoir de connaitre quelques points supplémentaires qui sauraient remonté leurs moyennes délicates.

Une main passant dans la chevelure rebelle qui n'en faisait qu'à sa tête, elle gardait bien précieusement ses copies contre elle: on était jamais trop prudent, et un drame était bien trop vite arrivé.

— C'était une blague, Troy, soufflait-elle, un léger sourire amusé sur le coin de ses lèvres.

L'alien avait une candeur toute particulière qui réussissait à apaiser son cœur et les nerfs en pelotes, noués par des heures assises derrière un bureau à savamment surveiller des devoirs qui ne savaient que trop grandement l'ennuyer. Les cours, il y avait quelque chose de passionnant à les animer. Les devoirs, c'était une autre histoire dont la jeune femme se serait bien passée pour être tout à fait honnête.

— Et puis ait un peu de respect pour mes élèves Darla, je suis sûre qu'il y a des choses à sauver !

Puis, ce relativisme mettait un peu moins à mal ses propres enseignements, et lui permettrait de ne pas remettre en question les cours qu'elle dispensait. D'autant qu'elle n'était pas la plus terrible des professeures de cette académie, ça, elle en était persuadée. Il n'y avait qu'à tendre les oreilles en salle de réunion, ou dans les couloirs. Les élèves étaient une mine d'or en ce qui concernait quelques informations tout à fait croustillantes qu'on ne dispensait nul part ailleurs.

Une main amicale sur la peau de son ami, Dafnee lui adressait un sourire rassurant, presque complice. Lui même faisait les frais de sa vipère de langue, et elle en était désolée pour lui. La plante avait déjà assez de mal à se supporter, une fois la solitude retrouvée, elle n'imaginait pas la périlleuse cohabitation que vivait Troy.

— Bien sûr que tu sais écrire ! Rappelles-toi des cours que je t'ai donné, tu te débrouillais vraiment très bien !

Pommade rassurante qu'elle lui passait volontiers pour le rassurer, Dafnee savait bien qu'avec ses mains bien étranges dont on l'avait doté, écrire n'était pas sa tasse de thé. Ni sa priorité.

— Simplement ma pause. J'avais pas envie de la passer seule alors je me suis dit que tu pouvais bien me supporter.

Deux battements de cils exagérés pour plaisanter, elle rangeait ses copies dans son sac, précautionneuse, histoire de ne rien risquer.

Troy:

Une main passée dans sa chevelure, un ton rassurant, Dafnee annonça à l'alien que l'histoire de s'arracher les cheveux était une plaisanterie. Troy aimait les blagues mais il n'était pas encore très familier avec les façons de parler de tout le monde et apprenait à son rythme comment déceler lorsque les gens n'étaient pas sérieux. Darla quant à elle, elle n'avait aucun problème pour et il l'enviait un peu pour ça. À moins qu'elle ne bluffe la plupart du temps et qu'elle ne prenne absolument personne au sérieux. Ce qui, connaissant le personnage, n'était pas une hypothèse à exclure non plus.

- Ouf! Tu m'en vois rassuré! Répondit-il sur un ton soulagé.

La langue insolente ricana encore, faisait vibrer l'intérieur des joues de son hôte. Elle était un peu vilaine avec les élèves de Dafnee, il était vrai, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Si Troy gardait la bouche fermée la plupart du temps, ça ne l'empêchait pas d'écouter, puisqu’elle partageait l'audition avec lui tel un petit parasite. Elle en entendait des choses et fallait dire que la plupart d'entre elles ne redoublaient pas d'intelligence.

N'empêche, elle avait du courage Dafnee, de se garder la tête haute pour enseigner des trucs à tous ces jeunes et elle espérait peut-être un peu qu'ils fassent des efforts avec elle. Elle avait beau avoir un sale caractère, elle appréciait tout de même la professeure qui se donnait beaucoup de mal pour eux qui ne devaient pas forcément lui rendre la pareille.

La femme plante avait rebondi sur la remarque effrontée Darla à propos de la capacité d'écriture de Troy. C'est vrai qu'elle était la mieux placée pour savoir ce qu'il en était de son niveau dans ce domaine vu que c'était elle qui lui apprenait à tenir correctement un stylo. Il remua un peu la queue à l'entente de son compliment, les élèves s'écartant par réflexe pour ne pas se faire faucher.

- C'est parce que tu es bonne professeure! J'apprends vite grâce à toi!

Le ton enjoué, Darla soupira à l'intérieur de sa bouche.

La jeune femme répondit finalement à la question que la bestiole lui avait posé précédemment. Elle était donc en pause et avait cherché sa compagnie!

- Supporter, en voilà un grand mot! Tu sais bien que c'est toujours un plaisir de te voir!

Il approcha sa grande tête de celle de Dafnee, une main près de sa bouche comme pour lui faire une confidence.

- Darla aussi elle t'aime bien, même si elle le montre pas forcément..

- Tu sais que je t'entends Troy...? Répondit-elle un peu exaspérée.

Le xénomorphe fit une tête un peu désemparée, c'était vrai qu'il oubliait parfois que vivre dans sa bouche impliquait qu'on entende tout ce qui en sortait. Il allait devoir y réfléchir à deux fois avant d'essayer de parler positivement sur le dos de sa langue.

- Oh d'ailleurs! Tu sais pas la nouvelle! Lança Troy sur un ton enjoué. Mon cactus, Rufus, le petit avec la fleur rose sur le haut! Il a repris du poil de la bête! J'ai bien cru le perdre mais quand je me suis levé ce matin, il était à nouveau tout beau.

Au vu du lien étriqué que son amie avait avec les plantes, il aimait bien parler de ses cactus avec elle. Il avait du mal à les garder en vie et culpabilisait beaucoup quand ils en mourraient, il allait donc souvent chercher conseil auprès d'elle afin de mieux comprendre ses amis verts. Voir son cactus revigoré ce matin était donc une grande nouvelle qu'il se devait de lui annoncer.

dafnee reece:

Troy avait la fâcheuse tendance à, s'il cherchait à se fondre tant bien que mal à la masse des étudiants et de leurs professeurs, toujours foncer la tête droit dans le mur. Peut-être que c'était l'absence de véritable yeux qui lui causait tant de déconvenues. Peut-être, aussi, qu'il gardait cette innocence enfantine qui l'empêchait de souligner les sarcasmes et l'ironie, la méchanceté en prime quand Dafnee ne s'y perdait jamais avec lui. Avec personne d'autre, non plus, tant elle rabrouait Darla et ses propositions cinglantes. On en avait jamais fait langue plus insolente, ou alors la jeune professeure était passée à côté. C'était fort probable, quand on en trouvait pas à tout les coins de rues, des langues avec leur propre volonté, leur propre individualité. Et tant mieux, si Darla était elle aussi son amie, Dafnee doutait qu'il était nécéssaire d'en avoir plus sur cette terre, surtout lorsqu'elles dénigraient si aisément leur hôte.

— Et toi tu es un très bon élève, Troy. Ne te sous-estime pas.

D'une tendresse naturelle, la jeune femme n'en éprouvait qu'un peu plus encore envers cette créature si particulière. On en avait pas encore vu d'autres comme ça, et c'était peut-être tant mieux ça aussi. Parce qu'il n'y avait qu'à voir les dégâts, surtout ses jambes et ses chevilles lorsqu'il la faisait voler sans s'en rendre compte. Parce qu'il n'y avait qu'à voir, aussi, la terreur qu'il semblait inspirer à certains de ses collègues pourtant caractérisés par une sacré hargne. Comme quoi, ce n'était pas ceux qui aboyait le plus fort qu'il fallait le plus craindre. Quoique. Quoique.

Remise sur pieds, les feuilles enfouies dans son sac avec toute la délicatesse qui la caractérisait pour ne pas les abimer plus que de raison, la plante verte passait une nouvelle main dans ses cheveux pleins de bourgeons, la tête légèrement tournée vers l'encéphale qui se glissait juste à côté d'elle. Un sourire ravi sur le coin des lèvres, quand il était toujours bon de se savoir appréciée, un rire lui échappait à la voix grinçante qui vibrait chez son ami.

— Et tu sais que je t'apprécie aussi, Darla, enfin, quand tu arrêtes de t'en prendre à mes élèves. Et à Troy aussi, par la même occasion.

Emboitant le pas à son encombrante compagnie, histoire de se tirer du milieu, de rejoindre la cours peut-être pour se poser à l'air frais loin des catastrophes que causaient les maladresses constantes du xénomorphe, Dafnee dû feindre la surprise à l'annonce qu'on lui faisait. Alors comme ça Rufus avait passé une nuit de plus ? Cela faisait exactement combien de temps qu'il reprenait subitement du poil de la bête, ce petit cactus plein de vie et d'entrain ? Combien de nuit, exactement, qui était toujours étonnamment précédées de visites amicales d'une professeure à la main plus que verte, à défaut d'être une plante de tout son être ? Il en avait, à revendre, de la candeur. Il en avait bien assez pour qu'elle y trouve un certain réconfort après de longues heures passés aux côtés d'adolescents turbulents aux hormones en ébullitions. Et auprès de collègues qui, s'ils étaient pour la plupart tout à fait charmant (chacun dans leur genre) lui demandait des efforts considérables de contrôle et de patience. Que Dieu, s'il en existait, prenne pitié de sa pauvre supérieure et de leurs âmes par la même occasion.

— Rufus ? Le cactus ?

A croire qu'elle avait raté une magnifique carrière sur les planches, Dafnee. Peut-être qu'être comédienne aurait été moins épuisant que d'être professeure, non ? Elle ne saurait probablement jamais.

— Il se plait peut-être bien chez toi, celui là !

Bon. C'était peut-être pas très beau d'encourager le mensonge, mais imaginer le pauvre petit coeur de Troy se briser en lui annonçant le mécanisme dans lequel elle s'était lancée, c'était plus qu'elle ne saurait supporter. Qu'on n'assombrisse pas son petit rayon de soleil, par pitié.

— Mais tu devrais un peu plus le mettre au soleil, pas trop exposé non plus. En plein été, les cactus aiment bien pouvoir bronzer.

Un peu comme les humains. Enfin, elle supposait. Parce que Dafnee se passerait bien des rayons pleins d'uv qui s'écrasaient contre sa peau et la brûlait, par la même occasion. Le rouge, oui, mais seulement sur sa tête, pas sur sa pauvre peau constellée.